Quatre poèmes de John Clare sur la tragédie des enclosures

Grâce au travail de traduction d'Antoine Constantin Caille, nous publions en français quatre textes du "poète-paysan" John Clare (1793-1864). Comme le souligne Sarah Vanuxem dans sa présentation, ces poèmes conduisent à envisager les communs fonciers traditionnels comme des milieux peuplés d'humains et de non-humains. S'y exprime avec force ce qu'on appelle désormais solastalgie, soit la détresse causée par la destruction des écosystèmes sous l'effet de l'industrialisation et de la privatisation.

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Photographie d'Hugues Lucet

Présentation

Par Sarah Vanuxem


Auparavant existait une liberté de parcourir les terres ; tel était l’état de « droit commun » : une longue étendue de « terre non cultivée », parsemée de joncs et « d’un vert éternel », que l’on pouvait librement arpenter. Chez John Clare, les « communs sauvages et gais » signifient la liberté d’aller son propre chemin, de vagabonder et de s’égarer dans des territoires non clôturés, avant de désigner ces derniers. Pour le poète-paysan, les terres communes sont réellement, foncièrement des lieux d’errance. À telle enseigne qu’elles forment une « scène errante » où règne une entière liberté dans la limite sphérique d’un ciel figurant sans doute, selon l’historien Edward P. Thompson, les frontières de la paroisse ou de la communauté villageoise.

Comme dans le Traité de nomadologie de Deleuze et Guattari, le droit ne se réduit pas ici au logos ; il renvoie d’abord au nomos, soit à la liberté de disposer les bêtes sur des pâquis ouverts. À l’inverse de ce qui ressort du Nomos de la terre du juriste nazi Schmitt, le droit d’avant la loi n’indique pas la prise de terre et son enclosure, mais le parcours des terres éponymes.

Et cette liberté de traverser et sauter par-dessus les vieux chemins de baies, ce droit de grimper et descendre les dénivelées, n’est pas seulement, ni même prioritairement celui du « joyeux berger » : ce droit, cette liberté sont également celui ou celle des animaux de parcours – ovins et bovins –, comme de la faune sauvage – lièvre, alouette ou pluvier – et des eaux de ruisseaux.

Dans ce droit de la nature ou d’avant les enclosures, les communiers et communières sont une généralité d’êtres « non-inanimés », non exclusivement humains. Aussi les droits collectifs d’user d’un orme et de ses branches, que ce soit pour se chauffer, cacher ou nidifier, sont-ils concurremment exercés par des groupes d’adultes, d’enfants ou une grive.

Par ces quatre poèmes, Clare nous donne à voir la réalité du système des propriétés simultanées, décrit par les médiévistes, et nous invite à penser les communs traditionnels fonciers, non comme des groupements d’humains autogérant des ressources ou biens, mais tels des collectifs descoliens ou latouriens d’humains et non-humains habitant un même demeure ou un milieu commun.

Tout au moins est-ce ainsi que se présente expressément le bout de terre de Swordy Well : « le dernier de tous les champs tombés » était, nous explique-t-il, une « demeure » pour l’ensemble des vivants ; il était un « humble endroit », un « logement gratuit », une « étable pour le repos », un lieu où chaque jour il « accueillait » les plus démunis en « leur offrant un lieu d’attache, du blé », « sans jamais leur refuser le séjour ». Le fonds de terre abritait les lapins, les pauvres ou l’âne, également le « camp de gitans », qui était chez lui « sans appréhension ».

Une « libre habitation », Swordy Well constituait également une terre propriétaire, qui avait des biens en sa possession, qu’il pouvait dire siens. En plus des « maisons usagères » de l’ordonnance française sur les eaux et forêts de 1669, des fermes propriétaires sises dans les sections de commune ardéchoises ou les hauteurs pyrénéennes, Swordy Well nous rappelle que les humains n’étaient pas seuls propriétaires de droits ou biens dans l’Ancien droit, et nous confirme que les articles 637 et suivants du code civil actuel, dédiés aux servitudes prédiales ou services fonciers reconnaissent des droits ou créances à des terres – les fonds dits dominants – vis-à-vis d’autres terres – les fonds dits débiteurs ou servants.

Puis, c’est au mouvement planétaire contemporain de reconnaissance de droits à la natureainsi qu’aux soulèvements internes – et non dissous – de la terreque Swordy Well nous invite à prêter attention. Car le dernier champ tombé nous adresse une requête : il a beau, précise-t-il, « n’être pas un homme », il est « quelque droit » qu’il « aimerait revendiquer » ; soutenant sa « propre cause », le fonds « supplie pour rester en vie ». Parce que cette réclamation s’étend aux êtres qu’il hébergeait et dont il pleure la disparition ou désertion, la défense de son droit à l’existence est aussi celle de la multiplicité des êtres peuplant la terre, de sorte que les causes de la terre commune et de la biodiversité n’en forment qu’une. À la supplique de Swordy Well, dont Clare se fait l’interprète, pourrait se joindre celle de (la) Loire, auquel Camille de Tolédo prête aujourd’hui sa voix. Faute d’articuler sa plainte devant les tribunaux, peut-être le fleuve se dirait-il lui aussi « content, quand bien même c’est une chanson qui lui donne un espace de parole ».

Mais que s’est-il passé ? Quel drame a eu lieu dont les ondes ont pu se propager jusqu’à nous ? La réponse est simple et a pour nom l’enclosure: contre les terres communes ou le libre parcours, « la clôture est venue », et après qu’elle est venue, tout a été perdu. Comme « Bonaparte (sic.) », elle n’a rien laissé subsister. Les buissons-muriers ont été déracinés, les bruyères détruites, et les « landes célestes », littéralement démembrées, ont vu leurs membres arrachés et leurs « gerbes broyées ». Avec la charrue, ont été « nivelés » chaque buisson, chaque arbre, chaque colline, et tendu des pièges pour tuer les taupes, et les pendre « comme des traîtres ». Après que « tous les communs ont disparu », la nature s’est douloureusement tue, et elle a caché « son visage là » où « les petits mineurs » – et commoners – chancelaient « dans leurs chaînes ».

Ce qui se découvre est une véritable mise à sac, voire mise à mort de la nature: l’enclosure des terres s’est accompagnée de l’essor d’un nouveau modèle de culture et d’élevage reposant sur la recherche de profit. Uniquement mus par « l’appât du gain », des bandes de malins ont emprisonné Swordy Well. Ils l’ont « mis en fourrière », et tellement exploité qu’il a manqué périr. Ces « meutes avides » ont installé tout un attirail sur ses reins, et l’ont déchiqueté, vidé du « moindre haillon » et blessé « encore et encore », lui déchirant et arrachant l’herbe sur le dos. Ces êtres cupides l’ont tant travaillé qu’il a fini par chanceler et crouler. Le bétail, aussi, a brouté le fruit de ses « efforts chaque jour, le laissant aussi nu qu’une route ». Et le supplice sans cesse fut renouvelé : chaque année, les charriots repassèrent et, avec la moisson, ses arbres et buissons furent arrachés ; chaque année, ces hommes lui demandèrent de « rapporter » plus encore et, chaque fois, ils trouvaient que ce n’était pas assez.

Ainsi, la clôture et le système agraire intensif qui lui est associé ont entraîné la perte de ce que nous nommons la diversité biologique ou biodiversité : au-dessus de Swordy Well, les abeilles décrivent « de faibles cercles », ne trouvent « pas de bourgeons », « puis sur la mousse épuisée », font « vibrer leurs ailes » et meurent. Les lapins qui trouvent les terrains « retournés » s’en retournent. « Les folioles du trèfle » n’osent plus montrer leur tête de peur que dès le lendemain la charrue ne les tue. Les papillons n’ont plus où se poser sur ces fleurs, fanées, qui n’apparaissant « nulle autre part », faisaient l’admiration de gens venus de loin. Sous l’oppression de ce « conflit armé », les « touffes d’herbe » soupirent et finissent par ployer. « Pour les créatures qui rampent » et qui volent, pour un scarabée, une souris, un faisan ou un lapin aussi, le fonds dispose à peine d’un recoin. Dépecé de ses haies, celui-ci n’est plus qu’un fossé. Et ce sont les pierres mêmes qui n’ont plus où se placer. Sur ses hauteurs, nul oiseau ne se plaît plus à voler et peut-être bientôt n’y aura-t-il plus un seul insecte.

***

De la tragédie des enclosures à l’extinction de la biodiversité, en passant par le productivisme agricole, Clare aura donc déjà fait le lien. Mais ce qui ressort encore de ses poèmes est la violence subie par les terres communes et leurs habitants. Dépouillé, spolié, Swordy Well a été trahi par des « bandes de brigands » qui ne se sont pas soucié de lui, ni ne l’ont respecté tel qu’il était. De même, l’orme musical, qui est lui aussi tombé, a été dupé par des gens qu’il avait pourtant hébergés. Sous ses branches, l’orme a entendu ces « fripons » exhorter à la liberté avant qu’une « fois au pouvoir », ils n’en viennent à opprimer les libres, les pauvres, et qu’à ce même cri de « liberté » ils ne finissent par se saisir d’une hache et ne l’abattent sur lui.

La violence n’est pas seulement physique, elle est aussi linguistique et juridique. Elle est celle de ceux qui tiennent « d’hypocrites » discours et usent « de creuses paroles » pour obtenir ce qu’ils veulent, de ceux qui imposent leur domination, leur pouvoir, et asservissent autrui au « nom du droit ». Ainsi l’orme est mort pour avoir écouté des « coquins » braillant pour de « meilleures lois », pour avoir cru aux droits proclamés de la liberté. Aussi est-ce par le langage du droit, et au nom de l’individuelle liberté, que la clôture, puis la ruine sont venues. Consacré par le code napoléon, le droit de se clore du propriétaire foncier signifie la perte, pour les pauvres, des terres communes, de la liberté collective d’errer, et des droits associés d’affouage, de glanage, de cueillette ou de grappillage. Avec la fin des communs, l’errance devient un délit. Sur les routes, les pauvres transformés en vagabonds, et privés de leurs droits coutumiers, avancent dans la crainte d’être enfermés et contraints au travail forcé.

De même, après la loi française du 2 février 2023 visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée – et qui crée un délit de pénétration dans la propriété privée rurale ou forestière d’autrui–, la victoire est celle de « petits » et peu nobles « esprits » qui, sur les « chemins chers à la liberté », en ont profité pour dresser « des panneaux » annonçant « pas de route ci-devant ». Le triomphe est celui de « chaque petit tyran » qui, par son « goût vulgaire », a accroché « sur l’arbre surplombé de lierre », les lettres « propriété privée – défense d’entrée », « comme si les oiseaux eux-mêmes – ironise Clare – devraient apprendre à connaître qu’ils ne doivent pas aller plus loin ». « La clôture rencontre maintenant la clôture » dans les mesquines limites de propriétaires, « petites parcelles pour plaire à de petits esprits ». Et si la défaite est celle des pauvres – « oiseaux et arbres et fleurs anonymes », qui « tous ont soupiré quand est venue la clôture de la loi illégitime », elle est aussi celles des naturalistes qui parcouraient de longues distances pour goûter à ce que Swordy Well avait à leur offrir. « Maintenant que tout s’est enfui », ces curieux passent devant lui avec tristesse.

Cette douleur est celle-là aussi du poète, qui regrette son enfance passée dans les terres communes à jouer librement aux billes et au lancer de cailloux, à attacher les branches d’un saule pour en faire une balançoire et à pécher, sans jamais rien attraper, avec du fil et des épingles tordues. Selon toute apparence, Clare souffre de ce mal qui a pour nom, aujourd’hui, la solastalgie. Apparenté à la nostalgie, et forgé par le philosophe Glenn Albrecht, le terme désigne une forme de détresse causée par la destruction des écosystèmes et de la biodiversité, soit par la disparition de notre écoumène ou du milieu dans lequel nous vivons.

À l’évidence, observe Antoine Constantin Caille, le poète souffrait de ce « mal du pays sans exil »et, plus précisément, d’une « solastalgie des communs »: son cœur d’alors, aussi léger qu’une « plume », « maintenant » lesté de chagrin, et lourd comme « une pierre », Clare est littéralement devenu fou de douleur. Il a terminé ses jours enfermé dans un asile d’aliénés, confirmant – comme le relève son traducteur – cette réflexion d’Antonin Artaud : un dément est un homme qui a préféré la folie à l’indignité de forfaire à l’honneur ; c’est aussi un homme que la société n’a pas su écouter et qu’elle « a voulu empêcher d’émettre d’insupportables vérités », en l’occurrence, celle-ci : déjà dans l’Angleterre du début du 19e siècle, la « zone critique » – cette mince couche de la planète Terre habitable– commençait-elle à se réduire.

Poèmes - Solastalgie des communs

Traduits de l'anglais par Antoine Constantin Caille

Les Landes/Les Mœurs

Loin s'étendait la terre non-cultivée un plat paysage
D'un vert éternel et parsemé de joncs
N'ayant jamais d'une maladroite charrue ressenti la rage
Bien que des siècles aient couronné son front de printaniers bourgeons
Rencontrant encore des plaines qui au loin l'étiraient
Dans des ombres incontrôlées de brun vert et de gris
Une liberté illimitée sur la scène errante régnait
Pas davantage la clôture de la propriété ne s'y
Était insinuée pour obstruer la perspective de l'œil longeant cette terre
Sa seule limite était le ciel encerclant
Unique puissant marécage non réduit par buisson ou arbre
Sa faible ombre d'immensité se répandant
Et se perdant – ce qui semblait la rendre encore plus illimitée –
Dans la brume bleue qu'entoure le bord de l'horizon
Maintenant de mes heures enfantines cette douce vision
Libre comme les nuages de printemps et sauvage comme les fleurs d'été
S'est fanée entièrement – un espoir qui s'est épanoui libre
Et a jadis été ne sera plus jamais de ce monde
L'enclosure est venue et a piétiné la tombe
Des droits du travail et a fait du pauvre un esclave
Et la fierté de la mémoire avant que devant la richesse le besoin ne se déprave
Est à la fois ombre et substance maintenant
Les moutons et les vaches étaient libres de se déplacer en ces temps
Quand le changement ne pouvait provoquer ni desserrer entre les hommes ce qui lie
Les vaches allaient et venaient à toute heure du jour ou de la nuit
De par les pâturages sauvages selon leur droit commun
Et les moutons déployés avec le soleil levant
Entendaient les jeunes campagnards crier et sentaient leur liberté gagnée
En parcourant le champ rouge en jachère et la lande et la plaine
Puis rencontraient le ruisseau et buvaient et à nouveau vagabondaient sans peine
Le ruisseau aussi clair que du verre lentement coulait
Sous les racines parmi l'herbe les bêtes se cachaient
Tandis que le joyeux berger remontait leurs traces
Libre comme l'alouette et heureux comme sa romance
Mais maintenant tout s'est enfui et les étendues aux nombreuses teintes
Qui semblaient s'allonger avec l'œil sans contraintes
Landes à perte de vue lointaines lisses et vives
Que balayait le pluvier de son libre plaisir ivre
Ont disparu maintenant avec les communs sauvages et gais
Comme les visions du poète à l'aube de sa vie
Les buissons-mûriers vers lesquels le jeune garçon courait
Pour remplir ses mains de fruits ont été arrachés
Et les bruyères – auxquelles les amoureux de fleurs ravis
Venaient remplir leurs pots – sont toutes détruites
Et les landes célestes avec leurs gerbes broyées sont laissées
Comme de puissants géants de leurs membres privés
La clôture rencontre maintenant la clôture dans les petites limites
De propriétaires de prairies et champs grands comme des jardinets
Petites parcelles pour plaire à de petits esprits
Avec des hommes et des troupeaux mal à l'aise emprisonnés
Chaque petit sentier qui faisait son agréable chemin
Aussi doux que le matin égarant la nuit
Où de petites fleurs s'épanouissaient autour d'un hôte varié
Le voyageur se ravissait de s'égarer
Sans rancune des pas qui étaient pris en vain
Quand les routes justes traçaient ses trajets et encore –
Non, sur un arbre cassé il s'asseyait un moment
Pour voir les landes et les champs et les prairies sourire
Parfois avec des primevères cachées – puis tout blancs
Avec des pâquerettes – alors le spectacle splendide de l'été
Par-dessus les clématites fleurissaient des champs de maïs cramoisis
Comme de splendides armées empanachées pour un guerrier destin
Il les regardait avec l'œil d'une sauvage fantaisie
Alors que les paysages tombés d'un ciel du soir
Ces chemins sont arrêtés – l'esclave du grossier philistin
Pèse sur eux et les a tous passés au fil du rasoir
Chaque petit tyran avec son petit signe
Montre où l'homme prétend que ne brille plus la terre divine
Mais sur les chemins chers à la liberté et à l'enfant
Un panneau se dresse pour marquer “pas de route ci-devant”
Et sur l'arbre surplombé de lierre
Le signe détesté est accroché par le goût vulgaire
Comme si les oiseaux eux-mêmes devraient apprendre à connaître
Qu'ils ne doivent pas aller plus loin et y apparaître
Ainsi avec les pauvres la liberté a fait ses adieux effrayée
Et ils le ressentent fort dans leur soupir étouffé
Et oiseaux et arbres et fleurs anonymes
Tous ont soupiré quand est venue la clôture de la loi illégitime
Et les rêves de maraude parmi de tels rebelles complots sans trêves
Ont réalisé trop cruellement qu'ils n'étaient que des rêves

***

Remembrances

Tous comme en visions ils s'en sont allés nos plaisirs d'été
Les journées nuageuses de l'automne et de l'hiver s'en viennent
J'ai essayé de les rappeler mais en vain n'y étant invité
Loin du cœur et des yeux et à jamais lointaines
Cher cœur se peut-il que de tels ravissements connaissent le déclin
Je les pensais tous éternels quand près de Langley Bush je m'allongeais enfin
Je les pensais joies éternelles quand je criais et jouais
Sur sa rive au hockey, au “prisonnier”, aux billes, au lancer de cailloux sur cibles
Le silence est assis maintenant sur la lande sauvage comme s'il lui appartenait
Ainsi qu'une ruine du passé toute seule


Lorsque je m'étendais et chantais près de la source bouillonnante du vieux puits de l'est
Lorsque j'attachais les branches de saule ensemble pour en faire une “balançoire”
Et pêchais avec des épingles tordues et du fil et n'attrapais jamais la moindre bête
Avec un cœur comme une plume – maintenant aussi lourd qu'une pierre
Quand sous le vieux chêne de la clairière je cassais les branches du bas
Pour faire notre chariot de récolte comme tant d'autres gars
Et pour nous baigner coupais la paille autour du ruisseau
Ô je n'ai jamais rêvé en être séparé ou pensé que la peine avait un dard
Ou que les plaisirs prendraient leur envol comme une volée d'oiseaux
Ne laissant rien d'autre qu'une petite source nue


En sautant par-dessus le temps sur le vieux chemin aux tilleuls
Avalant mes émerveillements comme des fruits confits avant qu'ils n'aient perdu leur pouvoir
Et sautant comme un levraut devant la percée du jour
Sur les hauts et les bas de l'agréable Swordy Well
Alors que le sud redevenait noir entre les chênes ronds dans l'étroite ruelle
Nous cherchions le frêne creux pour nous abriter de la pluie en cours
Avec nos poches pleines de petits pois que nous avions volés grain par grain
Combien délicieuse était l'heure du dîner lors d'une si pluvieuse journée
Ô les mots sont de piètres recettes pour produire ce à quoi le temps a mis fin
Les arbres dont nous faisions des pupitres et l'amusement qui nous entraînait


Quand nous faisions école au “petit champ” avec son ruisseau et son ponton en noisetier
Où je fanfaronnais comme un homme alors que je n'en mesurais pas la moitié
Pendant que je tenais ma petite charrue – ce n'était qu'une brindille de saule
Et conduisais mon équipe qui n'était faite de rien d'autre que paroles
'Gee hep' et 'hoit' et 'woi' – Ô je n'appelle jamais à mon souvenir
Ces agréables noms de lieux mais je laisse derrière moi un soupir
Tandis que je vois les petites taupes s'accrocher balancées par le vent
Au seul saule vieilli qui reste sur tout le champ
Et la nature cache son visage là où elles chancellent dans leurs chaînes
Et en un murmure silencieux se plaint


Ici les collines étaient des communs où les taupes recherchent encore la liberté
Maintenant tous les communs ont disparu et des pièges sont tendus pour tuer
Ces petits mineurs sans abri – Ô ça me jette un froid dans la poitrine
Quand je pense aux vieux enclos "verts" et aux vallons enneigés
Où poussaient les buissons de ronces et la marguerite transformée en diamant par la rosée
Et couvertes d'herbe soyeuse comme des coussins pour nos yeux les collines
Nous jetions des miettes de fourmi n'ayant rien d'autre à faire
Par la charrue jamais lasse tout est nivelé comme un désert
Tout a disparu comme le soleil sur lequel ce nuage passe maintenant
Tout s'est installé ici pour toujours sur son front


Je n'ai jamais pensé que les joies estivales fuiraient les enfants
Ou que les enfants changeraient d'état d'esprit en les abandonnant
Mais hélas je n'ai jamais songé que le monde eût d'autres amusements
Pour pétrifier les premiers sentiments comme fable en la pierre
Jusqu'à ce que le plaisir fût passé et qu'arrivât un hiver
Alors les champs étaient soudain nus et le ciel couvert
L'agrément de l'enfance nous hante comme une fleur dans la tourmente
Réduite à une mauvaise herbe flétrie, morte, piétinée
Jusqu'à ce que le soleil d'été se couche et que disparaisse le matin printanier
L'hiver a mené ses conflits de guerre et a gagné


Par la forêt de Langley j'erre mais la forêt a quitté sa colline
Je m'égare en ce désert étrange et froid qu'est aujourd'hui Cowper Green
Le chêne de Lea Close s'étendait avant que la destruction n'eût dicté cette famine
Sous la hache du pillard et que l'intérêt personnel n'en eût fait sa proie
Et traversant le chemin des baies et des vieux chênes ronds le sentier étroit
Je ne reverrai point ses arbres creux comme des pupitres
L'enclosure ne laissant rien subsister telle un Bonaparte
A nivelé chaque colline chaque buisson et arbre
Et pendu les taupes comme des traîtres –
Même si le ruisseau coule encore il ne coule que nu et blanchâtre


Ô si j'avais su alors que les chemins des hommes la joie allait quitter
Je l'aurais surveillée nuit et jour sans repos
Quand elle s'est retournée pour partir – Ô je l'aurais agrippée par le manteau
Et l'aurais courtisée comme un amant solitaire pour qu'elle reste à mes côtés
Oui m'agenouillant et adorant comme on aime sous la charmille des beautés
Accroché à ses sourires comme à sa fleur une abeille
J'ai livré à son cœur mes poésies toutes cueillies à une heure de plein soleil
Comme souvenirs et promesses de retour avant que la journée ne se termine
Mais l'amour n'a jamais précieusement conservé la fleur d'aubépine
Ainsi elle a suivi le chemin commun avec le jour qui décline

***

À un orme tombé

Vieil orme qui murmurait dans notre cheminée
Le plus doux hymne qu'automne ait jamais fredonné
Dans un agréable chuchotement le calme se posait
Quand les averses chutaient sur tes nombreuses teintes colorées
Et quand les tempêtes sombres imitaient le tonnerre
Alors que l'obscurité venait comme si elle étranglait la lumière
Avec la tempête noire d'une nuit d'hiver
Qui te berçait comme un berceau à ta racine
Comme j'aimais entendre les vents houspiller
Ta force extérieure alors que tout à l'intérieur était muet
A aménagé le confort dont nos cœurs avaient envie
Nous avons ressenti ta gentille protection comme une amie
Et dressé nos chaises plus près du foyer
Jouissant de réconforts qui n'ont jamais été décrits


Vieil arbre favori les changements du temps en-dessous tu as vus
Mais le changement jusqu'à maintenant ne t'était pas parvenu
Car le temps te regardait comme sa dot sacrée
Et la nature son arbre domestique te déclarait
Les tempêtes sont venues et t'ont secoué avec une vive puissance
Cependant en la maison que furent tes racines tu restais tenace
Des étés de soif asséchaient tout autour de ton berceau qui accueille
Jusqu'à ce que la terre devienne du fer – vertes étaient tes feuilles
Dans ton ombre d'été te cherchaient les enfants
Ils faisaient de bâtons et de pierre leur cabane
Seule, la grive musicienne laissait entendre son chant
Alors que dans tes feuilles elle faisait son premier nid
Sa félicité j'ai ressentie comme mienne
Sans me soucier de voir que notre amitié fût trahie


Ami non-inanimé – bien que bêtes et pierres
Il y ait – et beaucoup sont vêtus de chair et d'os
Tu possédais un langage qui remuait les cœurs
Plus profondément que l'usage des mots
Le tien disait un sentiment connu dans toutes les cultures
Langage de pitié face à la force d'imposture
Que la ruse suppose et les hypocrites osent
Il savait parler juste et montrer leur vraie nature


Je vois une image que ton sort plus lisible rend
Et une leçon de ton destin apprends
L'intérêt personnel t'a vu entraver le chemin de sa liberté
Ainsi ta vieille ombre comme un tyran il se la représentait
Tu entendais le fripon trompant les gouvernants
Crier à la liberté puis opprimer les libres gens
Tu as abrité nombre d'heures des hypocrites
Qui une fois au pouvoir jamais plus ne t'abritent
Tu as entendu le truand proposer ses pouvoirs inventés
Quand il veut des amis d'illusions il les berce
Braillant pour un abri quand il vivait sous les averses
Et quand les nuages ont disparu s'amender auprès de ton ombre
Avec sa hache à ta racine il te fit tomber à terre
Et aboya sa liberté – Ô je déteste cet air


Il faut cultiver les paroles vides comme outils d'asservissement
Pour faire du tort à un autre au nom du droit
Accorder une licence à des imbéciles agissant despotiquement
Pour abuser par le pouvoir l'honnêteté sans effroi
Ainsi vint l'enclosure – la ruine était son guide
Mais la liberté frappant des mains en appréciait l'égide
Bien que le confortable cottage fût mis de côté
Et les workhouses fussent élevées comme une cité
Même la nature alla demeurer loin de notre humanité
La lande commune est devenue la proie des pillards
Le lapin n'a plus où faire sa tanière
Et la dernière vache de labour a été écartée
Rien n'importait – le mal était tourné en bien et le bien en malfaçon
Et la bagarre de la liberté clôtura ta chanson


Telle fut ta ruine orme musicien
Les droits de la liberté furent d'injurier les tiens
Comme tu fus traité ainsi ils voudraient tout envahir
Au nom de la liberté les faibles ils voudraient engloutir
Ce sont là des coquins que pour de meilleures lois on entend gémir
Qui parmi les plus influents prononcent de creuses paroles
Gavent insatiablement leurs vilaines gueules
Et des faibles dévorent les libertés naturelles

***

La complainte de Swordy Well

Les quêteurs regorgent de prières
Pour obtenir les grâces de la pitié
Mais si sa main refuse de faire des dons à la légère
Ils préfèrent crier des jurons que prier
Ils ne sont pas les plus à plaindre ceux qui se
Ruent vers de nombreuses gens avec leurs plaintes
Pas plus que les personnes qui vont à l'église
Ne sont toujours les plus saintes


Je ne tiens la casquette de quiconque pour une miette
Ni ne la ramasse quand quelqu'un lance la sienne
Pas plus que je ne lorgne sur boiteuse gambette
Mais prie pour conserver la mienne
Là où le profit met ses cannes dans la porte
Il laissera bien peu derrière ce qu'il emporte
Le gain s'abaissant pour la moindre épingle ou broche
La placera à sa manche ou bien dans sa poche


Pour les passants jamais je n'accroche
Quelconque souci à ma poitrine ni ne trimballe
Certains noms comme tentatives d'approche
Ça en fera plus pour le commun qui s'emballe
Je suis Swordy Well de terre un bout
Tombé sur la ville qui m'a travaillé
Jusqu'à ce que je ne tienne plus debout
M'a écrasé au sol me faisant ployer


Dans les liens de la paroisse je peux bien gémir
Réduit à chaque roulement de travail nouveau
La pitié peut s'endeuiller à me voir souffrir
La malignité partage tout de même le cadeau
La moisson avec ses soucis pesant sur l'esprit
Me laisse la huée des pertes sur le dos
Mais chaque année avec sa charrue l'appel du profit
Revient et ne me laisse jamais tel que je suis


Hélas quelle brute vous êtes dépendance
Seul le manque vous est compréhensible
De tels sentiments flétrissent racines et branches
Qui aux mains de la paroisse doivent être accessibles
La boue qui salit la chaussure du
Laboureur la mousse qui cache la pierre
Maintenant je suis de la paroisse devenu le dû
Au-delà de ce je peux posséder ou produire


J'ai beau ne pas être un homme – ce qui n'est pas un mal
Quelque droit j'aimerais revendiquer
Et je suis content quand bien même c'est
Une chanson qui me donne un espace de parole
Je me retrouve soumis à un attirail si accaparant
Entouré d'une meute si affamée
Que même en apportant deux moissons par an
Il n'y a rien qu'ils me rapporteraient jamais


Quand ses prix tyranniques la guerre imposa
J'ai tremblé d'alarmes
Ils sont tombés et ont sauvé mon endroit
Ou alors les villes se seraient tournées vers les fermes
Que le profit garde une humble place
Et les propriétaires se fassent connaître
Que les pedigrees leur honorabilité retracent
Et le labeur jouisse de la sienne propre


Les sources d'argent devenues arides fossés
Produisent à peine un fagot de jonc
Quand le grain fut haut les mauvais garçons
Ont arraché arbres et buissons
Et moi ils m'ont mis sens dessus dessous
Pour le sable les pierres les graviers
Transformé mes vieilles collines qui verdoyaient
Et m'ont dépecé jusqu'aux os


Ces êtres qui revendiquent mes attributs comme leurs
Sont nés il y a peu
Mais avant de déchoir au rang des citadines affaires
J'étais aussi fier qu'eux
J'ai gardé mes chevaux, vaches et moutons
Et j'ai construit la ville en contrebas
Avant qu'ils n'aient à garder leurs chiens ou chatons
Et m'aient usé comme cela


La concession paroissiale maigre et terrifiante
Eût-elle pu garder la terre
Ferait dépérir même les abeilles
Pour garder un profit supplémentaire
L'orgueilleuse maison de travail
Tire profit de la misère
Et ma demeure devient un atelier pour les champs
Où est affamé le reste des vivants


Les abeilles décrivent de faibles cercles
Et ne trouvent pas de bourgeons
Puis sur la mousse épuisées presque
Font vibrer leurs ailes et meurent
Les lapins qui trouvent retournés mes monts
Délaissent ma pauvre demeure –
Comme les pauvres le travail forcé ils redoutent
Et préfèrent grignoter ce qu'ils trouvent sur la route


Si maintenant avec les folioles du trèfle
Le Printemps ose montrer sa tête
Le lendemain apporte la hâtive charrue
Et fait de moi un lit de misère
Les papillons peuvent venir et bruire
Les garder je ne peux plus
En mon humble paroisse ils ne demeurent guère
Sur mes coteaux les fleurs se fanent


Non même une pierre ne peut plus reposer
Je suis juste ce qu'ils veulent faire de moi
Avec l'hiver s'envolent mes haies
Et ne me reste qu'un fossé
Mes barrières sont décrochées
Dans la paroisse s'édicte le droit de passage
Seigneur celui qui est dans les registres paroissiaux
A peu de richesses en partage


Je ne peux garder une poussière
Ou un grain de sable
Mais sacs et chariots ont réclamé chaque parcelle
Et maintenant détiennent la terre
Autrefois j'apportais la vie de l'été
A maint papillon
Mais sous l'oppression d'un conflit armé
Les touffes d'herbe soupirent et ploient


A peine un recoin que je puisse appeler mien
Pour les créatures qui rampent et volent
Le scarabée se cachant sous une pierre
De se dépêcher fait bien
Le bétail broute le fruit de mes efforts chaque jour
Me laissant aussi nu qu'une route
Il est certain d'être sur le passage de quelque chose
S'il s'aventure vers le dehors


Je ne suis pas homme à gémir ou mendier
Mais attaché à la liberté encore
Je n'accroche pas de mensonges au piquet de la pitié
Pour leur apporter du grain à moudre
Nul besoin de me jeter sur le dos de la compassion
Mon apparence en dit bien assez
De mon unique arbre seule la souche fut laissée
Et rien ne demeure en ma possession


De mes collines moussues les mains avides
Et l'esprit plus qu'opiniâtre
Nivellent une terre roussâtre
Ne laissant aucune courbe
Les étés passés ma fierté fleurissait
Les gens venaient de loin pour apprécier
Mes fleurs qui n'apparaissaient nulle autre part
Et éblouissaient leurs regards


Mais ennuyé par une meute avide
Qui déchire et creuse et arrache
De mon dos l'herbe rêche
Du moindre haillon mes terres sont vides
L'appât du gain m'a enlevé ma liberté
Depuis que son terne costume j'arbore
Et pourtant le mépris jure que je n'ai assez rapporter
Et me blesse encore et encore


Pour quiconque me paie un loyer ou en touche
Je n’ai ni mots ni dates d’échéance
L’un fait la loi et d’autres la transgressent
Et avec des prix me bouclent la bouche


Et si le prix du grain monte
Seigneur aide-nous à le maintenir bas
Je n'aurai plus même un insecte
Ou une herbe qui croît
Je ne posséderai plus un mètre de terre
Pour permettre à une souris de prospérer
Car le profit m'a mis en fourrière
En vie je peux à peine rester


Je ne suis pas homme comme certains le croient
A faire une quête pour la perte
D’une vache qui est morte de vieillesse
Ou d’un cheval effondré à cause d’un éparvin
Pour lesquels certains quémandent des pièces
Et paraissent prospérer de leur bête morte
Mais je soutiens ma propre cause en vain
Et supplie pour rester en vie


Il y a du monde qui fait un mortel tapage
Et sur les profits perdus pleurniche
Mais Seigneur que je sois ceci ou cela
Personne ne se soucie de moi
Ils m’arrachent l’herbe du dos
Et s’en vont avec mes choses
Je suis volé par toutes les bandes de brigands


J'avoue comme beaucoup d'autres être pauvre
Mais les pauvres doivent bien vivre
De longues distances maints étaient prêts à parcourir
Pour goûter ce que j'avais à offrir
Mais depuis qu'à la ville j'ai affaire
Ils passent devant moi avec un soupir
Même “Asseyez-vous” je ne peux leur dire
Et ainsi plus loin ils errent


La ville qui m’a apporté la disgrâce
A ses histoires à raconter
Je n’ai pas un seul ami dans la place
Sauf un qui s’en est allé
Un grappilleur avec beaucoup de choses à garder
Et aucun terrain pour les mettre
Une bonne affaire m’a trouvé être
Et ainsi c’en fut fini de ma paix


Mais quand à un pauvre homme il est permis
De faire d’un autre esclave
Le monde perd sa bave en jacasseries
Sur comment un frère exploite son propre frère
Je n’ai pu garder de mon écrin
Depuis des années un seul buisson
Pas même un mètre carré de terrain
Pour y garder un lapin ou un faisan


Ils avaient l’habitude de venir se nourrir la nuit
Quand le danger du jour était parti
Et de bon matin disparaissaient
Sous les pierres bien cachés


Je suis contraint d’éviter l’avide meute
Qui maintenant me déchiquette et se vante
Ils dépouillent le manteau de mon dos
Et laissent à peine un haillon
Qui comme la paroisse blesse et heurte
Tandis que je porte
Le nouveau costume du gain
Puis jurent que je ne les paie jamais bien
Et ajoutent à ma désolation
Qui comme la paroisse blesse et heurte
Tandis que je porte
Le nouveau costume du gain
Puis jurent que je ne les paie jamais bien
Et ajoutent à ma désolation


Bien que maintenant je semble si plein de clameur
Pourtant quand vous passez à cheval
Les oiseaux mêmes sur mes hauteurs
Ne sont plus disposés au vol
Je me sens si solitaire dans cette disgrâce
Dieu fait tomber le grain
Je suis de cette contrée le plus ancien
Et le plus mal servi de tous


Seigneur béni sois-tu j'étais bon pour tous
La pauvreté trouvait chez moi
Toujours un humble endroit
Un logement gratuit une étable pour le repos
Les plus démunis avec leur âne affamé
Je les accueillais chaque jour
Leur offrant un lieu d’attache du blé
Sans jamais leur refuser le séjour


Il fut un temps où ma terre
Faisait des esclaves des hommes libres
L'âne aucun Pindar n’osait l’enfermer
Quand je lui procurais une belle herbe
Le camp de gitans était sans appréhension
Je leur permettais une libre habitation
Jusqu'à ce que l'enclosure vienne et fasse
De moi un esclave de la paroisse


Les gitans sont allés séjourner plus loin
N’aimant pas les chaînes de la paroisse
Pas un bâton ne possède et si la terre brûlait
Je n'aurais plus même une fosse
Je ne suis pas ami du travail illégal
Ni ne voudrais être rebelle pour un rien
Pourquoi appellerais-je barbare un chrétien
Si ce n’est parce qu’il se comporte comme tel


Je suis le dernier
De tous les champs qui sont tombés
Mon nom est presque la seule
Chose restant de Swordy Well


Si seulement je pouvais trouver un ami
Sans penchant à la tromperie
Qui m'enverrait quelques moutons à entretenir
Et me laisserait comme je suis redevenir
Pour préserver mes collines des chariots et charrues
Et des querelles de dégénérés
Permettant au printemps de me retrouver comme je fus
La tête haute de nouveau j’aurais


Et sauf les bois de sa Seigneurie
Qui ont survécu au jour de la grande supercherie
De tous les champs je suis le dernier
Qui ne veut se renier
Pourtant avec les trous des carrières de pierre
Et du commerce la lutte meurtrière
Mon nom seul
Restera de Swordy Well

Antoine Constantin Caille remercie Julia Lukushi Mahia-Ini et Clyde Menta pour leur aide dans le déchiffrage de Swordy Well

Pour citer cet article : Caille, A. C., Vanuxem, S. (2024). Quatre poèmes de John Clare sur la tragédie des enclosures. Revue EnCommuns, mis en ligne le 03 septembre 2024

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